"Résistance d'un haubert authentique face à des coups d'estoc d'épées"

 

   Dans le but de pousser au maximum l’expérimentation scientifique, et de toucher au plus près la réalité des combats de chevaliers du XIIIe siècle. l’association Guerre et Chevalerie, a décidé de consacrer un budget à l’acquisition d’un haubert authentique, daté du XVe siècle par la société Hermann Historica de Munich.

 

   Après réception du haubert, il s’avère qu’il a été plusieurs fois réparé, transformé, adapté, ce qui indique plusieurs changements successifs de propriétaires. Certaines mailles utilisées pour la réparation sont bien plus grandes que les mailles originales, certaines petites plaques ont clairement été rajoutées, avec des mailles similaires en diamètre, dans le rivetage, mais légèrement moins épaisses. La section des mailles est lenticulaire, c'est-à-dire ni ronde, ni plate, mais légèrement entre les deux. C’est la section la plus typique du XIIIe siècle. Les rivets sont de type triangulaires à tête « en grain d’orge », également le type le plus courant. Les mailles font un diamètre intérieur de 7 mm, sachant que les mailles sont toutes ovalisées et non pas parfaitement rondes, quant à l’épaisseur du fil elle est d’environ 1,3 mm ; l’épaisseur est difficile à déterminer puisque les mailles sont lenticulaire.

   Il n’est donc pas irréaliste de supposer qu’il s’agit d’un haubert du XIVe, voire même du XIIIe siècle, porté durant plusieurs décennies, voire même plusieurs siècles, avant de terminer sa vie entre les mains d’un soldat du XVe siècle. Ce haubert représente un poids total de 10 kg, les mailles sont plus épaisses sur le torse (ventre, épaules et dos) et beaucoup plus fines au niveau des bras et des cuisses. Les mailles les plus usées sont également situées au niveau des bras et des cuisses.

   Dans l’ensemble ce haubert est en excellent état de conservation, les mailles ont très peu souffert de la rouille ou de l’usure du temps. Toutefois certaines mailles montrent une usure très prononcée, le fil de fer étant affiné à tel point qu’il serait possible de le briser à mains nues. Mais cela reste isolé. Dans l’ensemble, les mailles au niveau du torse sont en bon état, pas aussi solides que si elles étaient neuves, mais très peu affaiblies.

 

   C’est l’état de conservation de ce haubert exceptionnel qui nous a motivés pour l’acquérir et pratiquer les tests dessus. Les épées choisies pour le test sont trois épées représentatives respectivement des années 1150-1250, 1250-1300 et 1300-1330 environ.

   La première épée (1150-1250) est l’épée Arn (fabricant Albion) à pointe prononcée pour un estoc peu offensif, à lame très souple rendant théoriquement l’estoc moins efficace. Détails techniques ici :

 

   La seconde épée (1250-1300) est une épée réalisée par le forgeron Gaël

FABRE, l’épée dite « Jérusalem » réalisée sur mesures : lame en acier

forgé à double cannelures d’allègement, garde et pommeau en bronze

fondus au sable, lame de 74 cm de long et de 6 cm de large au talon,

poids 1260 gr. La pointe est prononcée pour un estoc offensif, et la

lame présente un raideur supérieure aux modèle Albion, rendant théoriquement la pénétration plus aisée.

 

   La troisième épée (1300-1330) est l’épée Sovereign (fabricant Albion) à pointe très prononcée pour l’estoc, et à lame assez raide rendant théoriquement l’estoc plus redoutable encore. Détails techniques ici :

                                                                

 Les conditions du test :

 

  le test sera volontairement réalisé dans des conditions extrêmes, soumettant le haubert à des coups d’une violence

optimale. En situation de combat, cela correspondrait à des coups extrêmes, réalisés dans un contexte optimal pour l’agresseur, presque une mise à mort. Il faut garder à l’esprit qu’en situation de combat (duel ou bataille) le combattant ne bénéficie pas toujours de la meilleure concentration, du meilleur angle d’attaque, du meilleur équilibre au moment de porter son coup.

  Le but ici est donc de tester le haubert dans les conditions les plus favorables à l’assaillant et pousser sa résistance dans ses ultimes retranchements. Le haubert est placé sur un mannequin de mousse expansée (plus dure que le corps humain) recouvert de deux couches de tissu (une cotte de lin et une cotte de laine, représentant la chemise de lin et la cotte de laine que portent les guerriers du XIIIe siècle) puis d’un gambeson léger réalisé de deux couches de toiles de lin et trois couches de laine. Ce type de gambeson est donc très faiblement rembourré et ne présente pour ainsi dire pas ou peu d’effet d’amortisseur. Le mannequin est posé sur un socle de bois, contre un mur. Entre le mur et le mannequin, nous avons disposé un matelas de mousse pour maintenir le mannequin contre le mur. Là encore, la poussée du coup d’estoc sera pleinement absorbée par le mannequin, le recul étant quasiment inexistant. En situation de combat, le corps du combattant encaisse moins de poussée puisque le combattant peut théoriquement reculer d’un pas au moment du coup. Là encore nous reproduisons les conditions les plus extrêmes.

Test n°1 : coup d’estoc porté avec une épée typique de 1150-1250 environ.

 

Premier coup :

  L’épée perce une maille ; la lame de l’épée pénètre d’environ 1 cm, mais ne perce pas le gambeson. La maille est sectionnée sous le coup, mais la présence de rouille au niveau de la zone de rivetage laisse supposer que le coup a probablement porté sur une maille plus usée que la moyenne. Il est donc décidé de faire un nouveau test.

 Détail de l’anneau coupé : on voit bien la rouille à l’intérieur de la zone de rivetage :

Vidéo du coup

 

Second coup :

  La lame frappe à pleine puissance, le haubert rejette totalement la lame qui se plie fortement sous l’impact. Aucune maille n’est abimée. Un troisième coup est porté, celui-ci est porté sur le côté du haubert, le mannequin pivote légèrement sous le choc, mais après avoir reçu de plein fouet l’impact, la lame ne perce aucune maille, le coup est totalement absorbé une fois de plus par le haubert.

  Vidéo présentant le 2e et le 3e coup ensemble

 

Conclusion :

  Le premier coup a bel et bien porté sur une maille fragilisée par l’usure du temps, les coups suivants ayant été totalement inefficaces sur le haubert. Une lame d’épée typique des années 1150-1250 n’est apparemment pas à même de percer un haubert .

 

 

Test n°2 :

 coup d’estoc porté avec une épée typique de 1250-1300 environ.  

 

Premier coup :

   L' impact est stoppé net par le haubert, toutefois l’impact est visible sur une des mailles, la surface de l’anneau étant légèrement entaillée mais pas suffisamment pour entraîner une perforation.

                                                              Photo en détail de l’impact de la lame :

 

 

 

 

 

                                                              Photo de l’impact visible sur la maille :

 

 

Vidéo du premier coup :


 

Second coup :

 cette fois, le coup perce le haubert sur deux mailles, la lame pénètre le haubert sur environ 3 cm, le gambeson est perforé, les deux cottes également, et le mannequin est légèrement percé aussi. L’impact serait à même de blesser légèrement un combattant, lui entaillant la peau sur environ 1 à 2 cm, mais impropre à atteindre un

organe vital. Le combattant s’en sortirait avec une blessure légère, en aucun cas la mort.                               

 

Photo de la pénétration de la lame dans le haubert : deux mailles ont sauté

 

 

 

 

Photo du gambeson perforé :

le trou n’est pas suffisamment grand pour passer un petit doigt.

 

 

Vidéo du second coup :

 

 Conclusion:

 un coup d’estoc porté avec une lame typique des années 1250-1300, permettrait dans certains cas de percer superficiellement le haubert, pénétrer le gambeson et entailler sur 1 à 2 cm le corps humain. Il s’agit donc d’une blessure superficielle, non mortelle, non invalidante.


Test n°3 :

  coup d’estoc porté avec une épée typique de 1300-1330 environ.

                                                                                                 

Premier coup :

   Une seule maille est atteinte, mais la maille n’a pas été percée : de prime abord le coup semblait l’avoir percée mais après avoir retiré la lame, nous n’avons pas retrouvé l’impact, la maille avait finalement très bien arrêté le coup.

 

Vidéo du premier coup :

 

Second coup :

   Là encore l’impact n’est pas à même de transpercer le haubert. La violence du coup porte sur une seule maille, qui n’est pas endommagée. Il s’avère d’ailleurs que la lame, très pointue, est restée bloquée dans la maille, et qu’il a fallu forcer pour la retirer : le profil fortement en pointe de la lame a agit comme un coin dans la maille qui l’a freinée et stoppée.

 

Vidéo du second coup :

 

Conclusion :

  Un coup d’estoc porté avec une lame typique des années 1300-1330, fortement pointue n’est pas à même de pénétrer un haubert. C’est la conclusion la plus surprenante, puisque le profil de cette lame était à priori le plus adapté à la perforation.

 

Conclusion générale :

  Sur un ensemble de sept coups d’estoc portés sur ce haubert, un seul a pu pénétrer de 3 cm environ le haubert, et percer d’environ 1 à 2 cm le corps humain. Aucun des six autres coups n’est parvenu à mettre en défaut la résistance du haubert et du gambeson léger.Sur l’ensemble des sept impacts, il est désormais possible d’avancer

plusieurs conclusions :

1) Un coup d’estoc porté à l’épée à une main sur la période des XIIe et XIIIe siècles n’est pas à même de percer mortellement un haubert de bonne qualité. Dans le meilleur des cas un combattant peut espérer causer une blessure superficielle au porteur du haubert.

 

2) Un coup d’estoc porté avec une épée du XIIe au milieu du XIIIe siècle n’est pas à même de percer le haubert, quel que soit l’impact ; seule une lame à pointe prononcée, et à lame suffisamment raide pour offrir un impact optimal a une chance de causer une petite blessure à un guerrier en haubert.

 

3) Lors d’un combat réel où le combattant peut se déplacer, encaisser une partie du choc en reculant (chose impossible ici du fait du manque de recul entre le mannequin et le mur) le coup d’estoc porté à l’épée à une main ne peut en aucun cas s’avérer ni mortel, ni invalidant.

4) La seule donnée qui nous échappe est l’impact causé par le choc au-delà du haubert sur les organes internes ; cet impact est hélas impossible à évaluer, mais devait néanmoins présenter un risque pour le combattant. Risque fortement atténué par le port d’un gambeson plus rembourré que celui du test, ou par d’autres protections ventrales

(cuiries, cotte de plaques…)

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