Test de résistance d’un haubert médiéval face à un coup de dague.

 

   Depuis des années, nous entendons des choses invraisemblables concernant la résistance des armures de mailles véhiculées lors de fêtes médiévales ou même sur des forums par des passionnés de guerre médiévale.

   Généralement, pour peu que l’orateur soit un fervent pratiquant d’arts martiaux médiévaux, il ressort bien souvent que l’armure de maille n’arrête aucunement le coup de pointe, ou estoc, et qu’un coup de poignard ou d’épée la perce aisément.

 

   Afin d’apporter une lumière récente et scientifique sur la réelle

capacité d’absorption de l’armure de mailles médiévale face aux pointes, nous vous présentons le fruit de plus de dix années de recherches.

 

·        Pour commencer, il fallait trouver une armure de mailles rivetées de même fabrication que celle d’époque. C’est la partie la plus difficile de la quête, puisqu’à ma connaissance, seules deux personnes au monde sont encore capables de réaliser des éléments compatibles historiquement ; un Américain et un Espagnol.

 

   Les armures de mailles rivetées bon marché qui inondent le commerce actuel ne sont en aucun cas recevables pour un test scientifique sérieux

: mailles mal rivetées, acier trop cassant, section des anneaux

inappropriée.

 

   Il ne s’agit là que de l’avant-garde d’une série de tests que je compte réaliser sur des mailles de qualité historique : je testerai l’arbalète, l’arc, l’épée, la lance, le tranchant… Cependant, n’ayant pour le moment que des moufles de mailles (1600 mailles par moufle, quand même !) je ne peux raisonnablement pas faire tous les tests sur une surface aussi petite.

 

·        Voici donc le premier test :

 

  Comment se comporte une armure de mailles face à un coup d’estoc d’une dague.

   D’un côté, l’armure de mailles : section des mailles : 8 mm de diamètre intérieur, épaisseur du fil 1,3 mm, section ronde. Rivets en coin, chevauchement historique « en tête de serpent », fil de fer recuit. Une maille sur deux est rivetée, et une maille sur deux est emboutie (même section de fil, même diamètre, même qualité).

 

   De l’autre côté la dague : acier damassé feuilleté de plus de 550

couches, 33 cm de longueur de lame, 3,5 cm d’épaisseur au talon, arête médiane, forgée par Gaël Fabre et réaffutée par ses soins dix jours avant le test.


 

 

Test 1 :

 

Coup puissant d’une seule main.

Le coup est stoppé net par les mailles. La pointe ne pénètre que de 3 mm de l’autre côté des mailles.

 

Vidéo1 :

 

·        Pour sortir des tests souvent mal réalisés vus dans le passé (mailles posées à même une planche de bois par exemple) j’ai posé l’armure de mailles sur sept couches de laine superposées pour imiter à la fois un gambeson léger et la peau humaine. En dessous, plutôt que de mettre directement une planche de bois, bien trop dure pour représenter objectivement un corps humain, j’ai superposé six couches de carton épais d’emballage, solidement scotchées ensemble pour assurer une rigidité inférieure à du bois mais supérieure à un corps humain.

Le tout est cloué contre une poutre de bois d’une charpente de grange à hauteur du ventre, pour faciliter au maximum un coup direct puissant.

 

 

 


 

 

 

  

Test 2 :

 

  Coup puissant des deux mains.

 

Le coup, une fois de plus, est stoppé net par la maille. La pointe s’est toutefois enfoncée légèrement plus dans le tissu, perçant les deux premières couches de tissu.

L’anneau s’est à peine déformé, ce qui a permis à la pointe de la dague de pénétrer à peine plus dans la maille.

 

Vidéo 2 :


 

 

 

  

Test 3 :

 

Cette fois, je frappe des deux mains en utilisant tout le poids du corps depuis la hanche. La dague pénètre plus profondément, 1,2 cm exactement. Elle perce cinq épaisseurs de tissu, mais n’atteint toujours pas le carton.

La maille qui a pris le choc est entrouverte : le rivet n’a pas totalement sauté, il s’est étiré, j’ai d’ailleurs pu le remettre en place après coup sans effort avec une pince adéquate. La maille s’est déformée sous l’impact, formant du coup un ovale.

 

Vidéo 3 :

 

  

 

    Le point le plus surprenant est que la maille n’a pas souffert du

tranchant de la dague, pourtant réaffutée par Gaël Fabre (qui connaît

son métier !) dix jours auparavant. Or, la dague, équipée de deux

tranchants, est sensée entailler au moins partiellement le fil de la

maille.


 

 

Autocritique :

 

   Six couches de carton, sept couches de laine, et une poutre de grange ne sont pas un corps humain recouvert d’un gambeson léger, en train de se déplacer en plein combat.Ensuite j’ai frappé des deux mains. Or, on peut estimer que 90 % des coups de dague se font à une seule main. La poutre soutient une grange entière, elle ne bouge donc pas d’un

dixième de millimètre, contrairement à un corps humain qui, en encaissant le coup, reculerait de plusieurs centimètres minimum. C’est donc au plus proche d’un test de mise à mort d’un homme couché sur le sol, dont le corps ne peut bouger.

   Enfin, j’ai frappé à chaque fois (coup de chance !) sur une seule maille, et non sur deux mailles : les mailles étant reliées quatre par quatre, il arrive souvent que le coup soit répercuté sur deux mailles différentes et non une seule, le choc étant donc bien mieux réparti. Ce n’est pas le cas ici, où le choc était donc à pleine puissance sur une seule maille !

   Et qui plus est une maille rivetée (donc légèrement moins solide), pas une maille emboutie (plus solide) ! La force du coup est donc à 100 % sur une seule maille rivetée, l’impact est donc plus important que si la

dague avait frappé soit sur une maille pleine, soit sur deux mailles ensemble.

 

Bilan :

 

  on peut donc établir qu’un coup d’estoc porté par une dague de combat à section diamantée parfaitement aiguisée et pointue n’est pas à même de percer une armure de mailles de qualité moyenne du XIIe ou XIIIe

siècle. Potentiellement elle ne parvient même pas jusqu’à la chair d’un homme portant un petit gambeson de 5-6 couches de laine.

  En revanche, il est plus que probable que le choc est à même de casser une côte, ou de

faire des dégâts à un organe interne.Un fait important à souligner : les mailles n’ont pas souffert des

tranchants de la dague !

 

 

 

 

 

Enfin à titre de comparaison :

 

 J’ai fait le même test sur une maille rivetée moderne de fabrication indienne, mailles plates, rivets en coin,

9 mm de diamètre intérieur.J’ai frappé d’une seule main (même force que le test1) et la dague s’est plantée totalement dans l’ensemble maille-tissu-carton, la pointe ayant fini plantée de deux petits millimètres dans la poutre de bois.

   A noter que le choc était réparti cette fois sur deux mailles enlacée, l’une des deux a été coupée net en deux, le rivet a sauté sous le choc, et l’autre a été coupé juste sur un côté. 

   La différence de qualité est donc énorme entre les mailles industrielles modernes et les mailles médiévales : non seulement la qualité du rivetage, mais aussi la qualité du matériau employé, sans oublier la section.

Prochainement je ferai un test similaire sur une pièce de mailles rivetées de section aplatie et non ronde.

 

   Et un projet encore bien plus grand est en cours, qui apportera, je l’espère un éclairage définitif sur la véritable résistance des hauberts médiévaux face aux coups les plus violents (arcs, arbalètes, lances, cavaliers…)

 

Olivier BINDER, membre de l’association Guerre et Chevalerie.


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